Dans cette pièce, Léa Drouet poursuit son travail de déchiffrage des imageries établies comme son engagement dans la recherche des lignes obliques le long desquelles des singularités, mineures et minorisées, se façonnent à l’abri des regards et en résistant à l’étouffement des représentations. Elle n’entend pas représenter l’enfance autrement mais commence plutôt par observer et interroger les mécanismes par lesquels notre civilisation, en effet, « cadre » l’enfant, au double sens de la fabrique des images et des comportements.
Depuis longtemps, sans doute depuis le tout début du temps des narrations, « on » parle des enfants. Enfants sacrifié·es, victimes, à sauver, à protéger ; enfants délinquant·es, déviant·es, à redresser, éduquer, former… Et, en parallèle, on condamne et on a condamné, dès lors qu’on l’a nommé, une forme de vie qu’on a fait passer en objet : infans signifie, en latin, celui qui ne parle pas.
Plutôt que de s’intéresser à cet objet « enfant » en voulant le faire parler ; plutôt que de vouloir parler de, parler pour qui constitue trop souvent un parler sans les enfants, la metteure en scène prend le chemin inverse : elle se désintéresse, se détourne du point chaud à révéler et se met non pas à regarder les enfants mais peut-être à regarder depuis eux. Quelles sont les structures qui, placées tout autour de l’enfant pour s’en occuper, finissent par occuper sa place en la façonnant à partir de grilles de lecture établies et héritées ? Comment, par une sorte d’effet de looping angoissant, l’image que les institutions en charge des enfants (éducation nationale, foyer d’accueil, justice des mineurs, PJJ…) se font d’eux, finit par être la seule forme d’existence dans laquelle ils doivent entrer ? Et qu’est ce qui parvient parfois à se composer « juste à côté » ?