Après deux années d’école expérimentale, ce dernier temps sera l’occasion de se retourner sur nous-mêmes, de regarder, à plusieurs, ce que notre démarche a tenté de rejouer-déjouer de l’école telle qu’elle se fait et, surtout, telle que nous pourrions la défaire pour la refaire autrement. Cela n’est pas affaire de projet et de nouvelle « réforme » à inventer mais il s’agit peut-être d’abord de reconsidérer les formes, les structures établies pour « former » des sujets à gouverner et de tenter des modes de torsions générateurs de trans-formations. L’école expérimentale tente cela depuis deux ans en circulant entre différents lieux étrangers aux enceintes des académies (théâtre, lieux associatifs, occupations militantes) mais il y a aussi des démarches qui parviennent à questionner l’école du dedans et qui s’engagent, en son sein-même, dans tout un processus d’analyse critique générateurs de torsions fondamentales.
C’est ce que font les élèves de terminale du lycée Denis Diderot, situé dans les quartiers Nords de Marseille et qui ont entamé, depuis la rentrée 2022, un travail d’enquête au sein de leur établissement en collaboration avec Lamia Mellal, doctorante en anthropologie (KU Leuven-ULB) et membre du projet de recherche « Deradicalizing the city » qui cherche à étudier l’imbrication des politiques de lutte contre la radicalisation et des politiques d’aménagement de l’espace urbain en Europe dans le contexte post-attentats (2015). Afin d’adopter une approche collaborative et travailler non pas « sur » mais « avec » les élèves, cette recherche a pris la forme d’un atelier de création podcast qui a permis aux élèves de produire une réflexion sur leur quotidien scolaire. En partenariat avec Samir Akacha, producteur de podcast à Marseille, l’objectif était de permettre aux élèves d’être initié à la fois aux pratiques de l’enquête en sciences sociales, mais aussi à la création radiophonique afin qu’i·els puissent s’en saisir pour questionner, analyser et raconter l’école depuis leur point de vue. Dans le contexte post-2015, l’accentuation de la surveillance dans les établissements scolaires a favorisé l’autocensure des élèves, ces ateliers ont permis de faire exister des espaces de parole libre depuis lesquelles ces élèves s’adressent à nous.